Esther Hillesum, surnommée Etty, est née le 15 janvier 1914 à Middelburg en Zélande, province des Pays-Bas. D’origine juive, elle est la fille de Louis Hillesum, docteur ès lettres classiques, proviseur du lycée de Deventer, et de Rebecca Bernstein, émigrante originaire de Russie, dont
elle a fui les pogroms. Elle a deux frères, Jaap, interne en médecine et Mischa, pianiste virtuose psychologiquement fragile. Sur le plan religieux,
la famille n’est pas pratiquante. Etty obtient une maîtrise de droit à Amsterdam où elle fréquente les milieux étudiants de gauche. Elle étudie le russe dont elle donnera des leçons, comme sa mère.
En 1937, elle emménage chez Han Wegerif, comptable et veuf avec lequel
elle a une liaison. Elle s’intéresse à la psychologie, ce qui l’amène à rencontrer, en février 1941, un ancien élève de Jung : Julius Spier. Celui-ci, psychologue, chirologue, émigré de Berlin depuis deux ans, est juif comme elle. Il fut son thérapeute et devient son ami et son amant. À son invitation, elle commence la rédaction de son journal le 9 mars 1941. Elle a 27 ans et y exprime son désir de devenir écrivaine. Elle parle de sa vie intime, de sa foi en la vie, de ceux et celles qui l’entourent et qu’elle comprend de mieux en mieux au fur et à mesure que sa vie intérieure se précise et s’élargit. Elle y relate aussi la spirale inexorable des restrictions des droits et des persécutions qui amènent en masse les juifs néerlandais vers les camps de transit et la déportation.
En juillet 1942, elle obtient un emploi auprès du Conseil juif à Amsterdam qui s’occupe des problèmes de la communauté juive. Réalisant l’impossibilité pour la majorité des Juifs prolétaires d’entrer dans la clandestinité, elle s’y refuse aussi, comme elle refuse son statut de juive privilégiée au Conseil juif et le rôle qu’on veut lui faire jouer. En août 1942, elle demande et reçoit son affectation pour Westerbork : camp de transit et de rassemblement réservé aux Juifs. Elle voit dans ce transfert l’occasion d’assumer pleinement «le destin de son
peuple ». Elle se sent surtout plus utile là-bas.
En septembre 1942, Julius Spier tombe malade et meurt d’un cancer du poumon. À Westerbork, Etty est affectée à l’enregistrement des arrivants et joue un rôle d’assistante sociale et de psychologue. Les rescapé·es du camp témoignent de sa « personnalité lumineuse » et de son grand dévouement. En décembre 1942, elle finit par tomber malade et revient se faire soigner à Amsterdam. Le 5 juin 1943, alors que des amis lui proposent de l’aider à se cacher, elle choisit de retourner à Westerbork et d’y rester pour continuer son travail. Ses parents et son frère Misha, victimes de la grande rafle des 20 et 21 juin sont déportés à Westerbork. En juillet 1943, elle y perd sa liberté de circulation mais se démène pour éviter à sa famille une déportation vers
l’Est.
Misha, connu pour ses talents de pianiste, exige que ses parents bénéficient de la protection de «Juif culturel» à laquelle lui seul pouvait prétendre. Une lettre maladroite de Rebecca Hillesum au Général Rauter, commandant de la police et des SS aux Pays-Bas, fnit d’exaspérer celui-ci et provoque la déportation de toute la famille Hillesum. En septembre 1943, ils partent tous pour Auschwitz. Les parents et le frère d’Etty seraient morts dès leur arrivée. Selon la Croix-Rouge, Etty y serait morte le 30 novembre 1943. Jaap, déporté à son tour, ne
survivra pas à l’évacuation du camp de Bergen-Belsen en 1945.
Ce qui survit d’elle est un journal et une centaine de lettres couvrant les trois dernières années de sa vie. La fin de son journal tenu à Westerbork a malheureusement péri avec elle à Auschwitz. Dix cahiers ont été transmis par
les proches d’Etty au Dr Smelik qui chercha longtemps un éditeur pour les faire publier. Deux lettres d’Etty, éditées clandestinement en 1943, sont publiées en 1959. Outre le talent littéraire avec lequel elles ont été écrites, elles ont une grande valeur historique dans la description du camp de Westerbork. En 1981, J.G. Gaarlandt, directeur des Éditions de Haan, publie partiellement ses cahiers sous le titre : Une vie bouleversée.
Le texte fut presque aussitôt traduit en français et en anglais. Ses lettres sont publiées en 1982. En 1986, une édition néerlandaise, puis, en 2008, les Éditions du Seuil, présentent l’ensemble des écrits d’Etty Hillesum.
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